Problèmes en anatomie, en embryologie et en génétique

 

4. Le lieu de production du sperme

Un de mes amis musulmans m'a cité le texte suivant tiré de la Sourate des Femmes (A1-Nisâ') 4.23, de l'an 5-6 de 1'Hégire :

« Vous sont interdites... les femmes avec qui vos fils nés de vos reins » (sulb ) (en opposition aux fils adoptés)

Pour cet ami, l'affirmation précédente atteste une pré-connaissance qu'avait le Coran de la Science médicale moderne. En effet, nous savons aujourd'hui que les testicules mâles descendent de la zone rénale lors du développement foetal.

En toute logique, nous ne pouvons pas considérer cette explication comme totalement impossible. Cependant, en tant que médecin, je vois difficilement pourquoi Dieu aurait fait référence à un fait si obscur dans un verset qui n'a même pas pour but de discuter d'anatomie comme témoignage du pouvoir créateur de Dieu.

En fait, cette expression n'est qu'une figure de langage. « Nés de vos reins » est un euphémisme pour désigner le siège du sperme reproducteur. Après avoir donné le premier sens de « dur » ou « solide » à ce mot, Wehr1, Kasimirski 2 et Abdel-Nour3 ajoutent tous le sens de « rein » et « colonne vertébrale » comme second sens et ensuite celui de « propre fils, descendant naturel » (ibn sulbihi ) comme exemple métaphorique.

Il existe même un deuxième mot arabe employé pour désigner de la même manière I'origine des enfants. La Sourate de Al-A`râf, de la période mecquoise tardive 7.172 déclare :

« Et quand ton Seigneur prit, des enfants d'Adam, - de leurs reins -, (zuhür, ) leurs descendants... »

Le sens habituel de ce mot en arabe est « dos ». Nous le voyons donc employé pour désigner la force procréatrice ou siège de la vigueur. En fait, d'après les spécialistes du langage, cette façon de s'exprimer était commune à toutes les anciennes cultures du Moyen-Orient.

Prétendre que ce verset démontre la « préconnaissance miraculeuse » du Coran n'est pas très convaincant, car la même façon de s'exprimer est aussi présente dans la Torah. Le mot hébreu khelasim est l'exact équivalent du mot arabe sulb.

C'est cet usage euphémique que font Esaïe 32.11 : « Femmes, mettez une ceinture à vos reins (khelasim) » et Jérémie 30.11 : « Pourquoi ai-je vu tous les hommes les mains sur leurs reins ? »

Lorsque Dieu déclare à Jacob : « Et des rois sortiront de tes reins (  khelasim) »

(Torah, Genèse 35.1 1), ou lorsqu'il dit à David, 1000 ans avant J.-C. : « Ce n'est pas toi qui bâtiras la maison (le temple) ; mais ce sera ton fils, sorti de tes entrailles. ce sera lui qui bâtira la maison à mon nom » (1 Rois 8.19), il se sert du mot khelasim pour désigner le « siège de la vigueur et de la reproduction ».

L'Evangile-Nouveau Testament emploie le mot grec osphus dans ce même sens. Lorsque Pierre évoque dans sa prédication lors de la Pentecôte, la promesse faite au roi David, il déclare :

« ... de faire asseoir un de ses descendants (litt. du fruit de ses reins, osphus) sur son trône » (Actes 2.30).

Mais le véritable problème se situe là où le Coran, contrairement à la Bible se sert du mot sulb dans un verset qui exclut toute interprétation euphémique.

La Sourate de l'Arrivant du soir (Al-Tariq) 86.5-7 de la période mecquoise primitive, déclare :

« Que l'homme regarde donc de quoi il a été créé ! Il a été créé d'une giclée d'eau sortie d'entre lombes (sulb, ) et côtes (tarâ'ib ).

Le texte déclare donc que l'Homme est fait d'une « giclée d'eau » provenant du père adulte au cours de l'acte de reproduction, et que la source de cette « eau » se trouve placée « entre lombes et côtes » .

Manifestement ce verset décrit le moment de l'acte reproducteur et ne peut donc s'appliquer à une phase du développement embryonnaire. De plus, le mot sulb est associé à « giclée d'eau » qui ne peut que s'interpréter d'une manière physique et à tarâ'ib, mot qui désigne la réalité physique de la poitrine, ou du thorax ou des côtes. En conséquence, il faut exclure un sens euphémique au mot sulb. C'est pourquoi nous nous trouvons devant une affirmation selon laquelle le sperme proviendrait de la zone dorsale ou rénale, et non des testicules.

En tant que médecin, le Dr Bucaille est conscient du problème que pose le verset coranique. Il cherche une échappatoire par une gymnastique de l'esprit (ce qu'il reproche d'ailleurs aux commentateurs chrétiens de faire !) et déclare, après avoir cité le verset précédent dans sa traduction exacte :

« C'est plus, semble-t-il, une variante interprétative qu'une traduction. Elle est d'ailleurs peu compréhensible. » 4

C'est déjà la deuxième fois que le Dr Bucaille, qui se heurte à un problème de compréhension, juge le Coran obscur et incompréhensible.

C'est pourquoi nous allons examiner différentes traductions. Il y a celles faites par des musulmans :

Muhammad Hammidullah, traduction française, 1981 (10° édition révisée et complétée) :

« Il a été créé d'une giclée d'eau sortie d'entre lombes et côtes. »

Celles faites par des non-musulmans :

D. Masson, traduction française, 1967 :

« Il a été créé d'une goutte d'eau répandue sortie d'entre les lombes et les côtes. »

Edouard Montet, traduction française, 1967 :

« Il a été créé d'une goutte d'eau répandue, qui sort d'entre l'épine dorsale et les os de la poitrine. »

Le lecteur constatera par lui-même que ces traductions donnent toutes le même sens, même s'il ne comprend pas l'original arabe.

Traduction du Dr Bucaille

Que voudrait proposer le Dr Bucaille ? Il écrit :

« Deux versets du Coran concernent le rapport sexuel proprement dit... Lorsqu'on se rapporte aux traductions et commentaires explicatifs qui en ont été donnés, on est frappé par leurs divergences. J'ai longtemps hésité sur la traduction de ces versets. Je dois celle que je propose au docteur A.K. Giraud, ancien professeur à la faculté de Beyrouth :

«(L'homme) a été formé d'un liquide rejeté. Il sort (comme résultat) de la conjonction des régions sexuelles de l'homme et de la femme. » La région sexuelle de l'homme est désignée dans le texte coranique par le mot sulb (singulier). La région sexuelle de la femme est désignée dans le Coran par le mot tarâib (pluriel).

Telle est la traduction qui paraît la plus satisfaisante. » 5

La comparaison avec les traductions présentées plus haut montre clairement que la suggestion du Dr Bucaille n'est ni une traduction, ni une paraphrase. C'est une « explication » ou une « interprétation » qui repose sur les postulats suivants :

a. Le mot sulb peut désigner la région sexuelle de l'homme. Mais aucun exemple d'un tel usage de ce mot n'est fourni dans l'Islam du premier siècle.

b. L'expression « (comme résultant) de la conjonction » se déduit des deux arabes min bain qui signifient littéralement « d'entre ».

c. Le mot tarâ'ib peut désigner « la région sexuelle de la femme ».

Ce mot n'apparaît qu'une seule fois dans le Coran ; il est donc impossible d'établir sa signification à partir d'un seul emploi du mot considéré.

Les dictionnaires de Wehr, d'Abdel-Nour et de Kasimirski donnent les sens suivants : (a) poitrine ; (b) la partie supérieure de la poitrine, entre les seins et les clavicules ; (c) les côtes. Abdel-Nour ajoute (d) seins, par euphémisme. Le mot peut encore s'appliquer à la partie du cou qui va jusqu'au menton, et désigner, dans le langage poétique, l'emplacement du collier dont se parent les femmes.

Aucun dictionnaire n'étend le sens du mot à la région génitale de la femme ; d'ailleurs, le Dr Bucaille ne cite, à l'appui de son interprétation, aucun exemple tiré de la littérature arabe. II fait manifestement oeuvre originale contre les autres. Il tente de « camoufler » (ses problèmes) par des acrobaties dialectiques » !!!6

5. `Alaqa (caillot ?!?) et autres étapes de la formation du foetus

Le mot arabe `alaqa au singulier ou sous sa forme `alaq comme pluriel collectif désigne six fois dans cinq versets différents du Coran, un stade du développement du foetus. Il est traduit par le mot « caillot » dans les traductions françaises du Coran que j'ai pu consulter.

Sourate de la Résurrection (Al-Qiyâma) 75.37-39, de la période mecquoise primitive :

(L'homme) n'était-il pas goutte de sperme, de semence semée ? Et ensuite, caillot de sang, tel que Dieu à créé puis arrangé, puis fait de lui le couple, le mâle et la femelle ? »

  • un grumeau de sang - Kasimirski, 1948 7

  • un caillot de sang - Masson, 1967

  • un grumeau de sang - Edouard Montet, 1958

  • un caillot de sang - Hamidullah, 1981

Le singulier est encore employé dans trois autres versets. La Sourate du Croyant (AI-Mü'min) 40.67, de la période mecquoise tardive déclare :

« C'est Lui qui vous a créés de poussière, puis de sperme, puis de caillot de sang (`alaqa ) ; puis Il vous fait sortir bébé pour qu'ensuite vous atteignez vos pleines forces et qu'ensuite vous deveniez vieux, - or tel parmi vous est achevé d'abord - et que vous atteignez un terme dénommé. Et peut-être comprendriez-vous ? »

La Sourate du Pèlerinage (Al-Hajj) 22.5, qui date soit de la période mecquoise tardive, soit de la période médinoise primitive, ajoute quelques détails :

« Ho, les gens ! Si vous êtes en doute au sujet de la résurrection, eh bien, c'est Nous qui vous avons créés de poussière, puis de sperme, puis de caillot (`alaqa, ), puis de chair, formée aussi bien qu'informe, - pour tout vous expliquer- et Nous déposons dans les matrices ce que Nous voulons, jusqu'à un terme dénommé ; puis Nous vous faisons sortir bébés pour qu'ensuite vous atteignez vos pleines forces. Tel d'entre vous est achevé ; tel d'entre vous est reconduit jusqu'au plus vil de l'âge de sorte qu'après avoir su il ne sait plus rien.,» .

Mais l'énoncé le plus complet se trouve dans la Sourate des Croyants (AI-Mü'minun) 23. I2-14, de la période mecquoise tardive :

« Et très certainement, Nous avons créé l'homme d'un choix d'argile, puis Nous l'avons consigné, goutte de sperme, dans un reposoir sûr, puis Nous avons fait du sperme un caillot (`alaqa ) ; puis du caillot (`alaqa) Nous avons créé un morceau de chair ; puis du morceau de chair, Nous avons créé des os ; puis Nous avons revêtu de chair les os. Ensuite Nous avons produit une toute autre créature. »

Tout lecteur familiarisé avec les questions de la reproduction humaine sait qu'il n'existe aucun stade où le foetus aurait été un caillot au cours de son développement. Nous sommes donc en présence d'un réel problème.

Les dictionnaires de Wehr et d'Abdel-Nour n'indiquent, pour le nom féminin singulier `alaqa, que les sens de « caillot » et de « sangsue » ; encore aujourd'hui Aie mot recouvre ces deux sens en Afrique du Nord. Plusieurs malades sont venus me trouver pour que je leur pose des sangsues, et de nombreuses femmes, qui croyaient que le foetus passait par un stade de caillot, sont venues me consulter au dispensaire pour que je leur prescrive un traitement qui les fasse avorter.

Quand je leur disais que je ne pouvais accéder à leur demande parce que je considérais le foetus comme un être humain, elles me répondaient : « Mais ce n'est que du sang ! »

Kasimirski ajoute un troisième sens, celui de lien, ligament, noeud, mais il traduit le mot par « un grumeau de sang » dans sa propre traduction du Coran.

Examinons enfin les premiers versets communiqués à Muhammad à la Mecque.

On les trouve dans la Sourate 96, intitulée `Alaq (caillot ?). Les versets 1 et 2 déclarent :

« Lis, par le nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l'homme d'un `alaq »

Le mot apparaît ici comme un pluriel collectif. Mais cette forme est également celle qui dérive du verbe aliqa qui signifie « être accroché, être suspendu, coller, adhérer, pendre, être attaché ». On pourrait la rapprocher de l'infinitif français considéré comme nom, par exemple « le manger et le boire ». Il faut encore ajouter que la forme verbale peut être enrichie de significations consacrées par l'usage.

Mais les traducteurs consultés plus haut ont délibérement traduit le mot `alaq de ce verset par « sang coagulé » (Ed. Montet), « caillot de sang » (Hamidullah et D. Masson). Dans son célèbre livre Islam publié pour la première fois en 1966, Falzur Rahman traduit aussi par «  sang coagulé » 8.

Dans la note 2770 appliquée à ce verset, Maulana Muhammad Ali donne ses raisons :

« `Alaq signifie aussi bien caillot de sang qu'attachement et amour. C'est le premier sens qui est généralement adopté parce qu'il s'apparente à la mention de `alaq dans le processus de création de l'homme tel que d'autres versets du Saint Coran l'indiquent ; de plus, il souligne l'insignifiance de l'homme, à son origine. » 9

En d'autres mots, le sens du mot employé au pluriel collectif est assujeti à celui du mot singulier, bien qu'on puisse être tenté de comprendre et de se servir d'un autre mot qui aurait contourné la difficulté scientifique.

Malgré le nombre et les titres des traducteurs qui ont traduit le mot arabe par « caillot », le Dr Bucaille n'hésite pas à les pourfendre, lorsqu'il écrit :

« Ce qui est davantage susceptible d'égarer l'investigateur est, ici encore un problème de vocabulaire.

En effet, sont toujours répandus à notre époque des traductions et commentaires de certains passages qui peuvent donner aux scientifiques qui les lisent une idée complètement fausse de la Révélation coranique sur le sujet considéré. C'est ainsi que la plupart des traductions évoquent la formation de l'homme à partir d'un « caillot de sang », « d'adhérence » ; un tel énoncé est, pour un scientifique spécialisé dans ce domaine, rigoureusement inadmissible...

Une telle constatation laisse supposer combien capitale va être l'association des connaissances concernant la langue et des connaissances scientifiques pour parvenir à saisir le sens des énoncés coraniques sur la reproduction. »10

Comment le Dr Bucaille conçoit-il la traduction de ce mot ? I1 propose qu'au lieu de « caillot » le mot `alaq soit traduit par « quelque chose qui s'accroche », une allusion au foetus attaché à l'utérus par le placenta 11. C'est possible, et de plus, plus conforme à la vérité scientifique que ne l'est le mot « caillot ».

Même parmi les hommes de science il y a divergence à propos de la traduction du mot `alaq. Le Dr Bechir Torki aborde le problème et traduit ainsi la Sourate 96 :

«Lis par le nom de ton Seigneur qui a créé l'homme d'attaches. Lis, car ton Seigneur est le plus généreux. C'est Lui qui a enseigné par la plume. »12

Le mot « attaches » et ses sens proches tels que « liens », « ligaments » semblent très proches du sens proposé par le Dr Bucaille. Cependant, le Dr Torki en fournit une autre explication, lorsqu'il écrit :

« Il (Dieu) a « créé l'homme d'attaches », non d'une attache et les attaches sont ici exactement ces informations attachées et accrochées, comme nous l'avons expliqué, dans tous les gènes des cellules, notamment dans les gènes portés par le sperme de l'homme d'un côté et ceux portés par l'ovule de la femme de l'autre. Le premier mot « Lis » concerne les informations qui sont contenues dans la première cellule à partir desquelles la structure de l'homme est faite. Le deuxième mot « Lis », concerne le grand Coran que Dieu a enseigné à l'homme par la plume 13.

L'idée est ingénieuse, mais j'ai personnellement du mal à croire que le premier commandement adressé par Dieu à Muhammad ait été : « Lis le code génétique ».

Même en laissant cet argument de côté, l'explication du Dr Torki laisse sans réponse de difficiles problèmes.

Que fera le Dr Torki des autres versets qui utilisent le singulier `alaqa ? Que signifient, même dans notre langage moderne les expressions « d'une goutte de sperme nous avons créé un « code génétique » ; et du code génétique nous avons créé un petit amas de chair » ? Le « code génétique » est dans le sperme, et non créé par lui.

Ces problèmes ne sont pas épargnés au Dr Bucaille, malgré ses efforts pour les camoufler. II écrit, à la page 205 :

« Après `ce qui s'accroche'... l'embryon, dit le Coran, passe par le stade de chair (comme de la chair mâchée), puis apparaît le tissu osseux qui est habillé de chair ».

Cette description semble tout à fait correcte, mais correspond-elle vraiment à ce que dit le Coran `?

Nous allons nous servir de la traduction que propose ce docteur pour le mot `alaqa et l'appliquer au texte :

« puis de la goutte de sperme Nous avons créé (ou façonné) quelque chose qui s'accroche, et de la chose qui s'accroche, Nous avons créé (ou façonné) de la chair mâchée, Nous avons créé (ou façonné) des os, et Nous les avons recouverts de chair. » .

Mais nous vivons au XXe siècle, un siècle caractérisé par les exigences de précision. Où est l'ovule ? La chose qui s'accroche n'est pas formée d'une goutte de sperme. Elle résulte de la rencontre du spermatozoïde et de l'ovule. Certes, ne pas tout mentionner ne constitue pas une erreur. En outre, « la chose qui s'accroche » ne cesse pas de s'accrocher pour devenir « de la chair mâchée ». Elle continue de rester « la chose qui s'accroche » et ce pendant huit mois et demi, jusqu'à la naissance.

D'après ces versets « la chair mâchée » devient os, et ensuite, les os sont recouverts de muscles. Cette idée est répétée dans la Sourate de la Vache (AI-Baqara) 2.259, de l'an 2 de l'Hégire :

« ... Regarde les ossements, comme Nous les ressucitons et les revêtons de chair ! »

Il semblerait, d'après ce verset, que le squelette est formé en premier, puis qu'il est revêtu de chair. Le Dr Bucaille sait pertinemment qu'il n'en est pas ainsi.

Les muscles et les cartilages précurseurs des os sont formés en même temps à partir des somites. A la fin de la huitième semaine, il n'y a encore que peu de centres osseux en formation, et cependant le foetus est déjà capable de quelques mouvements musculaires.

Dans une lettre personnelle du 8.1.87, le Dr T.W. Sadler, docteur ès-sciences, professeur associé du département d'anatomie de l'Université de la Caroline du Nord , Chapel Hill, N.C. 27515, et auteur de Langman's Medical Embryology déclare ceci :

« Huit semaines après la fécondation apparaît le cartilage des côtes, et des muscles se forment. A ce stade on note aussi l'ossification de la base des côtes, ossification qui s'étend progressivement jusqu'au cartilage, vers le quatrième mois. Dès la huitième semaine après la conception, les muscles opèrent des petits mouvements, bien que ce ne soit que vers dix ou douze semaines que ces mouvements soient beaucoup plus perceptibles. »

C'est pourquoi, même en admettant que le stade du somite de la quatrième semaine corresponde à celui de la « chair mâchée », les muscles sont déjà présents plusieurs semaines avant que ne soient formés des os calcifiés. Le problème n'est pas près d'être résolu !

Deux autres traducteurs, au moins, se sont servis d'autres mots pour rendre `alaqa. Dans sa traduction de 1957, Régis Blachère écrit ceci, pour la Sourate 23.14 :

« Nous avons fait de l'éjaculation une adhérence ; de l'adhérence Nous avons fait une masse flasque. De la masse flasque Nous avons fait le squelette, et Nous avons revêtu le squelette de chair. » 14 (Mais il faut noter que le même traducteur a mis « goutte coagulée » en 75.38).

De son côté, Muhammad Asad, dans sa traduction effectuée en 1964 et publiée en 1980 propose :

« Puis, de la goutte de sperme Nous avons créé un germe cellulaire ; puis, du germe cellulaire Nous avons créé une pâte embryonnaire, puis Nous avons créé à l'intérieur de cette pâte embryonnaire des os et Nous avons revêtu les os de chair. »15

Dans une note qui accompagne 96.2, Muhammad Asad suggère que le germe cellulaire `alaqa désignerait l'ovule fécondé.

Le lecteur comprendra, me semble-t-il, que les critiques formulées à l'encontre des autres traductions restent valables pour celles-ci également.

  • (a) Le sperme ne devient pas une adhérence ni un ovule fécondé sans avoir rencontré, au préalable, un ovule non-fécondé.

  • (b) Affirmer que `alaqa signifie « germe cellulaire » qui, à son tour, désigne l'ovule fécondé n'est rien moins que poser un présupposé.

  • (c) Si c'est une adhérence, celle-ci adhère durant toute la grossesse.

  • (d) Traduire « chair mâchée » par « pâte embryonnaire » et prétendre que les os sont créés « à l'intérieur » de cette pâte plutôt que « de » cette pâte constituent deux présupposés.

  • (e) Et finalement, le problème de l'existence des os avant les muscles reste entier.

Le problème majeur que posent ces nouvelles définitions du mot `alaqa comme celles du mot sulb, c'est le fait qu'il n'y a aucun exemple d'un tel emploi de ces mots dans l'arabe utilisé au cours des siècles qui ont précédé et suivi l'Hégire. Cette constatation est d'autant plus importante que certains des versets où ces mots sont employés affirment que cette information constitue un signe. C'est ce qu'indique la Sourate du Croyant (AI-Mü'min) 40.67 :

« C'est Lui qui vous a créés de poussière, puis de sperme, puis de caillot de sang ; puis Il vous a fait sortir bébé... Et peut-être comprendriez-vous ? »

De même, dans la Sourate du Pèlerinage (AI-Hajj ) 22.5, il est dit :

« Ho, les gens ! Si vous êtes en doute au sujet de la résurrection (considérez que) c'est Nous qui vous avons créés de poussière, puis de sperme, puis de caillot, puis de chair, formée aussi bien qu'informe... »

La question mérite d'être soulevée : si cette révélation devait constituer un signe pour les hommes et les femmes de la Mecque et de Médine, qu'en ont-ils compris ? Est-ce que `alaqa désignait le sang menstruel qu'ils croyaient coagulé à l'intérieur du corps ?

Cette « chair » que le Dr Bucaille traduit par « chair mâchée » représente-t-elle le petit placenta que beaucoup de personnes ont pu voir lors d'avortements spontanés précoces ? Le foetus n'est généralement pas encore visible sur ces pertes. Rien ne ressemble plus à de la « chair mâchée » qu'un placenta de deux mois.

Quel message pouvaient-ils percevoir dans ces mots ?

Deux hadiths emploient le mot `alaqa.

Le premier hadith dit ceci :

« Ibn Hisham cite Muhammad Ibn Ishaq qui raconte que quelques amis de Muhammad étaient venus le trouver pour lui poser la question : «  Prophète d'Allah , parle-nous de toi ».

I1 répondit : « ... J'étais avec un frère d'adoption derrière notre maison, en train de garder le troupeau, quand deux hommes vêtus de blanc et portant un récipient en or rempli de neige, se présentèrent devant moi. Ils se saisirent de moi, coupèrent mon corps en deux, en sortirent mon coeur qu'ils coupèrent également ; ils en ôtèrent un caillot noir (`alaqa) et le jetèrent. Puis ils purifièrent mon coeur et mon corps dans la neige... » 16

Ce hadith ne jouit très probablement que d'un très faible coefficient de fiabilité et ne semble pas concorder avec d'autres sources de renseignements plus solides. II a néanmoins l'avantage d'utiliser ce mot controversé ; dans ce texte le «  caillot noir », est une image du péché de Muhammad.

Cet exemple prouve que le mot 'alaqa peut signifier « caillot », mais il ne peut ni confirmer ni infirmer les sens proposés par le Dr Torki, le Dr Bucaille et Muhammad Asad.

Le second hadith se trouve dans les Quarante Hadiths de An-Nawawi. Nous y lisons :

Ce hadith est rapporté d'après Abou-Abd-ar-Rahmân Abd-Allah ibn Mas`ud qui dit : Le Messager d'Allah (puisse Allah répandre sur lui Ses bénédictions et lui accorder Son salut ! ) nous a tenu ce propos, lui, le véridique en tout, le digne de créance :

« La création de n'importe qui d'entre vous s'accomplit en diverses phases dans le sein de sa mère : simple goutte de sperme au début, durant quarante jours, il devient corpuscule qui s'accroche pour une période égale, puis particule de chair (embryon) pendant quarante jours encore. Enfin, un ange est envoyé qui insufle en lui une âme, principe de vie. En même temps, ordre est donné à l'ange de consigner par écrit quatre genres de mentions, à savoir : une concernant son degré de fortune, une autre précisant le terme inéluctable de ses jours, une troisième déterminant ses actions, enfin une quatrième annonçant sa qualité de bienheureux ou de réprouvé dans l'Au­delà. Or ça ! J'en jure par Allah, hors de qui il n'est point d'autre dieu !

I1 pourra fort bien advenir que tel d'entre vous se comportera, à force d'actions vertueuses, en véritable hôte futur du Paradis, au point d'en être distant d'une coudée à peine. C'est alors que se tournant contre lui, les données écrites de son destin le, feront agir en hôte futur de l'Enfer, où il sera un jour précipité. Tel autre, par contre se conduira en homme voué à l'Enfer, au point qu'il n'en sera séparé que d'une coudée. Mais alors jouant désormais en sa faveur, les informations écrites le feront agir en homme voué au Paradis, où il sera effectivement admis. »17

hadith transmis par AI-Bukhari et Muslim.

Nous sommes ici en présence d'un hadith qui est attribué directement à Muhammad, qui est attesté par les meilleures autorités, Bukhari et Muslim ; inclu dans une collection de hadiths par un spécialiste des hadiths, et qui comporte des grossières erreurs scientifiques.

Reprenons les affirmations de ce hadith. La goutte de sperme reste une goutte de sperme pendant quarante jours, au terme desquels se forme un `alaqa pendant quarante jours, ce qui nous amène déjà à quatre-vingts jours complétés par les quarante jours du stade « chair mâchée ». Soit cent vingts jours au total. Les études gynécologiques modernes ont montré que la durée de vie du sperme à l'intérieur des organes génitaux féminins ne dépasse pas une semaine, et que dès le 70° jour se perçoit déjà la différenciation des organes, à l'exception du cerveau et des os. L'affirmation du hadith selon laquelle le foetus ne devient « chair mâchée » qu'après quatre-vingt jours est donc manifestement une erreur scientifique. Le Dr Bucaille fait allusion à ce hadith, mais il conclut : « La description du développement embryonnaire n'est pas conforme aux données modernes. »18

Quoi qu'il en soit, ce hadith ne nous est d'aucun secours dans notre étude du mot `alaqa puisqu'il ne le cite pas dans un autre contexte. Pas plus que par le Coran, nous ne pouvons savoir avec précision s'il désigne un « caillot » ou un « lien » ou « ce qui s'accroche » à partir de l'emploi du mot dans ce hadith.

Il montre cependant clairement ce que croyaient des hommes qui ont vécu 200 ans après Muhamrnad, et cela suffit à soulever d'importants problèmes théologiques liés à tout le hadith.

Le problème théologique

Les erreurs scientifiques contenues dans ce hadith impliquent-elles que les affirmations théologiques de Muhammad soient fausses, elles aussi ?

Si cette erreur scientifique d'un hadith bien attesté prouve que celui-ci se trompe, comment pouvons-nous croire à la fiabilité des autres hadiths, bien attestés également, mais qui ne comportent pas d'erreurs capables de les faire accuser d'être non fiables ?

Mais il y a pire encore. Qui nous prouve que ce hadith n'est pas une transmission fidèle ? Dans ce cas, ne rapporte-t-il pas les mots mêmes et la compréhension qu'avait Muhammad de ces faits scientifiques ?

La traduction est aussi une science

Le Dr Bucaille a tendance à affirmer que tous les traducteurs précédents se sont trompés. II prétend que pour traduire correctement le Coran il faut avoir une solide formation scientifique. Jusqu'à quel point ?

En 1940, je suivais l'enseignement secondaire. On y enseignait la reproduction humaine dans le cadre de la biologie. A l'exception de la génétique les connaissances concernant les organes sexuels mâle et femelle, le sperme, l'ovule et le cycle menstruel étaient identiques à ce qu'elles sont aujourd'hui. Toutes les traductions mentionnées, exceptée celle de Kasimirski, sont postérieures à I938. Le Dr Bucaille pense-t-il sincèrement qu'aucun des traducteurs mis en cause n'avait assez de connaissance scientifique pour comprendre le problème sous-jacent à ces versets ?

Ils ont tous bien vu qu'il y avait une difficulté. Yusuf Ali a rédigé une note détaillée à propos du mot ,sulb, comme étant le siège de la force. II ajoute que « la moelle épinière est le prolongement de la Medulla Oblongata du cerveau. » Voici ce qu'il écrit concernant la Sourate 23.12, citée plus haut :

« ... la matière vivante se reproduit d'elle-même par le moyen du sperme. Celui ci pénètre dans l'ovule et le féconde... L'ovule fécondé se transforme en une sorte de morceau de sang épais coagulé ; les zigotes se segmentent puis le résultat prend forme et se développe en foetus. De cette masse se forment les os, les chairs, les organes et un système nerveux... »19

Une telle formulation traduit un niveau de connaissances médicales acceptable. Pourtant l'expression « morceau de sang coagulé » est manifestement erronée. Ne le savait-il pas ? Certes si, puisqu'il parle, par ailleurs de la Medulla Oblongata et de zigotes. Pourquoi a-t-il intégré ces mots dans sa traduction ?

Le Dr Bucaille ne l'a-t-il pas compris ? Ces traducteurs sont des hommes de sciences dans leur domaine, celui des mots, et ils n'ont pas trouvé de raisons linguistiques valables pour changer la signification de ces mots dans les versets considérés. Ils se sont comportés en traducteurs honnêtes qui n'ignorent pas la science.

Le Dr Bucaille affirme que leurs traductions sont « à peine compréhensibles ». Je ne partage pas ce jugement. Leurs traductions sont très compréhensibles et très correctes. Elles reflètent les problèmes scientifiques qui se trouvent dans l'original arabe.

De plus, le problème que posent ces versets n'est pas le même que celui soulevé dans la section précédente à propos de l'expression

« vague sur vague » qui avait un sens tout à fait valable pour un arabe du 7e siècle vivant à la Mecque ou à Médine et à laquelle il est possible d'ajouter une explication scientifique moderne. Dans le cas qui nous occupe présentement, l'expression traduit une compréhension erronée d'un fait scientifique, et ce, depuis l'origine de la Sourate.

Nous l'avons déjà clairement souligné dans le premier chapitre : la seule manière d'établir le sens d'un mot consiste à examiner son emploi par l'usage. La seule façon d'établir que tarr~'ib peut désigner « la région génitale de la femme » ou que le singulier `alaqa exprime « la chose qui s'accroche » consiste à montrer, par des phrases tirées de la littérature arabe de la Mecque et de Médine contemporaine de Muhammad, et plus particulièrement dans la langue des Quraychites, « la langue claire arabe » , que ces mots avaient le sens qu'on veut leur attribuer aujourd'hui.

Ce n'est pas une tâche aisée, pour la simple raison que de nombreux travaux ont déjà été effectués sur cette « claire langue arabe » des Quraychites. Très tôt les musulmans ont éprouvé intuitivement le besoin de savoir exactement ce que signifiaient les mots quraychites ; c'est pourquoi ils ont procédé à une étude complète de cette langue et de sa poésie.

Le grand historien Ibn Khaldun a pu écrire :

« Sachez que le Coran est descendu dans la langue des arabes et conformément à leur style et a leur éloquence ; tous l'ont compris et ont saisi les diverses significations de ses différentes parties et leurs liens les unes avec les autres. » 20

Ce témoignage que « tous » les arabes ont compris le Coran est sans doute une exagération due à l'enthousiasme, comme nous en commettons tous ; mais elle est néanmoins plus proche de la vérité que l'affirmation du Dr Bucaille selon laquelle personne n'avait compris le Coran jusqu'à nos jours.

Hamza Boubakeur, l'ancien recteur de la mosquée principale de Paris a abordé ce sujet lors d'un colloque sur le Dieu unique, tenu à Montpellier le 6 mai 1985. Il posa la question rhétorique suivante à son auditoire :

« La compréhension du texte du Coran est-elle demeurée stable depuis l'époque de Muhammad jusqu'à maintenant ? »

Sa réponse fut la suivante :

« La poésie ancienne atteste la stabilité sémantique ».

Nous en concluons que si les versets qui procurent un bien-être spirituel et une espérance aux musulmans ont conservé un sens stable, alors les affirmations scientifiques incluses dans ces versets ont également gardé une signification stable, sauf si on nous fournit les preuves du contraire.

Lorsque le Dr Bucaille et les autres apologistes montreront, avec citations à l'appui, que les mots controversés avaient, au premier siècle de l'Hégire, le sens qu'ils leur attribuent aujourd'hui, alors, sans aucun doute, tous les traducteurs, musulmans ou non, les suivront dans leurs conclusions. Mais enattendant cette preuve, nous constatons qu'il existe des problèmes d'ordre scientifique dans le Coran.

7. La durée de la gestation

La durée de l'allaitement est préconisée dans la Sourate 31.14, dite Luqmân, de la période mecquoise tardive :

« Et Nous enjoignons à l'homme au sujet de ses parents, - car sa mère le porte, fragilité sur fragilité, et sevrage au bout de deux ans -, ceci : Sois-Moi reconnaissant, ainsi qu'à tes parents. »

Ailleurs, dans la Sourate de la Vache (AI Baqara) 2.233, de l'an 2 de l'Hégire il est dit :

« Et les mères, pour qui veut donner un allaitement complet, allaiteront deux ans pleins. »

La Sourate AI-Ahqâf 46.15, de la période mecquoise tardive déclare :

« Et Nous avons enjoint à l'homme la bienfaisance envers ses père et mère : sa mère l'a péniblement porté et péniblement accouché ; et grossesse et sevrage ont été de trente mois... »

Nous ne voyons aucun problème au commandement d'allaiter pendant 24 mois, si cela est possible. Après tant d'années au cours desquelles les médecins ont encouragé le biberon, on assiste à un retour à l'allaitement maternel jugé par les mêmes médecins comme préférable et offrant au nourrisson une alimentation riche en protéines, ce qui n'est négligeable ni dans les pays développés, encore moins dans ceux en voie de développement où la nutrition de l'enfant est une question de vie ou de mort.

Mais le troisième verset, qui indique une durée totale de 30 mois pour la gestation et l'allaitement, soulève une difficulté. En effet, si on retranche 24 mois des 30, il ne reste plus que 6 mois pour la durée de gestation. Or nous savons bien qu'une grossesse normale dure 9 mois. Yusuf Ali a été conscient de la difficulté. C'est pourquoi il propose une note qui précise que « six mois constituent le minimum pour une gestation humaine, au terme de laquelle l'enfant est considéré viable. Ceci est en accord avec les plus récentes données scientifiques. » 21 (Le mot en italique figure ainsi dans la note.)

Le lecteur pourra se satisfaire de ce présupposé, mais le verset poursuit :

« ... puis quand il a atteint ses pleines forces, et atteint quarante ans, il a dit : « O Seigneur, dispose-moi, pour que je rende grâces du bienfait dont Tu m'as comblé... Oui je me repens à Toi, oui, et je suis du nombre des Soumis. »

Ce chiffre de 40 ans semble s'appliquer à tout homme, et n'émet pas de réserves sous prétexte de circonstances particulières. Si l'ordre d'allaiter durant 24 mois désigne une période normale, et si l'âge de 40 ans qu'atteint l'homme est également en chiffre normal, alors nous pouvons nous attendre à ce que la durée de temps précisée dans la première partie de ce verset s'applique à la durée normale d'une grossesse et non à un cas particulier, qui serait celui d'une anomalie.

8. Caractères hérités et caractères acquis

a. Génétique et nourrices

Autrefois, dans de nombreuses cultures on croyait que ce que la mère voyait ou faisait pouvait avoir une incidence sur l'enfant qu'elle portait. Ainsi, il y a 100 ans à peine, les Américains croyaient que si une femme enceinte apercevait un lapin, son enfant naîtrait avec la lèvre supérieure fendue. C'est ce qu'on appelle toujours, même dans des ouvrages sérieux de médecine, un bec de lièvre.

II semble que le Coran se fasse l'écho de telles conceptions. Dans la Sourate des Femmes (A1 Nisâ' ) 4.23, de 5-6 de l'Hégire, on trouve une longue liste de femmes qu'il est interdit d'épouser, entre autres :

« Mères qui vous ont allaités, soeurs de lait... les femmes avec qui vos fils nés de vos reins ont consommé le mariage... » (par opposition aux femmes des fils adoptés que l'homme peut épouser légalement, selon la Sourate 33.37).

Il est parfaitement clair que selon la connaissance scientifique que le Dr Bucaille qualifie de « sûre » les caractères héréditaires ne se transmettent que par les gènes reçus de notre père et de notre mère biologiques. Il n'existe aucun autre moyen. Aucun caractère héréditaire ne se transmet par le lait d'une nourrice. Il n'existe aucun lien de quelque nature que ce soit entre un garçon allaité par une nourrice et la propre fille de cette nourrice. Il n'existe donc aucune raison scientifique pour interdire leur mariage.

Nous pourrions tout au plus songer à une question d'honneur pour la nourrice, mais cela ne semble pas avoir été la préoccupation du texte coranique. C'est plutôt la pensée que l'allaitement crée un lien de parenté réel qui est sous jacente au verset mentionné. Bukhari, commentant le verset 4.23, cite une phrase de Muhammad à Aisha : « L'allaitement entraîne la même interdiction que l'enfantement » 22. Par conséquent le Coran interdit le mariage avec des soeurs de lait, mais il permet à ces soeurs de lait de ne pas se voiler lorsqu'elles reçoivent la visite de leurs frères de lait, au même titre que s'ils étaient leurs vrais frères. Dieu est certes libre d'ordonner ce qu'il veut, mais cela ne reflète certainement pas les connaissances génétiques modernes.

b. Génétique et chèvres tachetées dans la Torah-Ancien Testament

Dans la Torah, Genèse 30.32-31.13 nous avons l'étrange récit de Jacob, le petit-fils d'Abraham, qui partageait la croyance non-scientifique de pouvoir influencer la couleur des agneaux et des chevreaux en fonction de ce que les mères voyaient.

Laban, son beau-père avait demandé à Jacob de prendre soin de ses troupeaux et lui avait accordé le salaire correspondant. Jacob proposa à Laban de prendre pour lui les chèvres et les brebis tachetées. Puis Jacob devait garder les bêtes colorées et son salaire serait les agneaux et les chevreaux tachetés ou marquetés. Laban aquiesça et sépara les bêtes tachetées et marquetées qu'il prit pour lui, laissant à Jacob celles qui étaient foncées.

Mais Jacob avait une arrière-pensée : il voulait agir sur la couleur des agneaux et des chevreaux à naître.

« Jacob prit des branches vertes de peuplier, d'amandier et de platane ; il y pela des bandes blanches, mettant à nu le blanc qui était sur les branches. Puis il plaça les branches qu'il avait pelées, dans les auges, dans les abreuvoirs, où venait boire le petit bétail, juste en face des bêtes qui entraient en chaleur en venant boire. »

Jacob croyait qu'en exposant à la vue des bêtes en chaleur des branches rayées, il obtiendrait que les chèvres et les brebis mettraient bas des petits rayés ou tachetés. Nos expériences génétiques modernes nous apprennent que cela n'est pas possible : on ne peut acquérir les caractères héréditaires. (Cela signifie que vous ne pouvez pas naître avec un bec de lièvre ou une gueule de loup simplement parce que votre mère a aperçu un lièvre). Jacob était dans l'erreur.

Mais le Dieu d'Abraham et d'Isaac ne permit pas à Jacob de persister dans cette croyance erronée qui jetait le discrédit sur le Créateur. C'est pourquoi, dans un rêve, il révèle à Jacob la véritable raison de la naissance des petits tachetés et rayés. Ce rêve, Jacob le raconta à ses femmes en ces termes :

« Au temps où les bêtes entraient en chaleur j'ai levé les yeux et vu en songe que les mâles qui couvraient les femelles étaient rayés, tachetés et mouchetés. L'ange de Dieu m'a dit en songe : Jacob !

J'ai répondu : Me voici !

Il a dit : Lève les yeux et regarde : tous les mâles qui couvrent les femelles sont rayés, tachetés et mouchetés ; car j'ai vu tout ce que Laban t'a fait. Je suis le Dieu de Béthel, où tu as oint une stèle, où tu m'as fait un voeu. Maintenant lève-toi, quitte ce pays et retourne au pays de ta naissance. »

Pour comprendre comment Dieu a opéré ce miracle, il faut savoir que les taches, comme la couleur bleue des yeux chez les humains, constituent un caractère récessif chez les animaux. En d'autres termes, dans les conditions normales de brassage des animaux, 25 % des chèvres auraient été homozygotes (possédant deux gènes similaires) quant à la couleur dominante ; 25 % auraient été homozygotes pour le caractère récessif, et par conséquent auraient été tachetées et rayées ; 50 % auraient été hétérozygotes, avec un gène relatif à la couleur unie et un gène relatif aux rayures ou à la moucheture. Ces 50 % auraient donc possédé la couleur unie puisque le gène correspondant est dominant par rapport au gène des tachetés ou mouchetés, qui est, lui, récessif. L'accouplement normal, selon les lois du hasard entre des béliers et des brebis (25 %, 50 %, 25 %) donne 25 % de petits tachetés.

Quand Laban eut mis à part pour lui les 25 % de bêtes tachetées, il laissait à Jacob un troupeau comportant 33 % de chèvres de couleur pure uniforme et 67 % de chèvres hétérozygotes. Normalement Jacob aurait donc du avoir dans son troupeau 16,75 % de petits tachetés. Il aurait donc été trompé par son propre marchandage. C'est pourquoi Dieu intervint de sorte que tous les accouplements se fassent avec des mâles tachetés (homozygotes-récessifs).

Au terme de la première portée la moitié des petits nés des 67 % de femelles hétérozygotes auraient été tachetés. Par conséquent 33 % du nombre total des petits nés dans le troupeau auraient été tachetés et seraient revenus de droit à Jacob.

A plus longue échéance, tous les petits, d'une seule couleur, seraient devenus hétérozygotes avec le caractère récessif hérité des béliers qui leur auraient donné naissance. Cela aurait accru le nombre des femelles hétérozygotes à 75 % du total l'année suivante ; finalement la moitié des petits nés dans le troupeau auraient été tachetés, ce qui doublait le salaire de Jacob.

Ainsi donc le récit biblique, qui date de 1700 ans av. J.-C., est en parfaite harmonie avec nos connaissances en matière de génétique, même s'il présente les idées erronées de Jacob.

9. Autres problèmes

Nous pourrions poursuivre en évoquant d'autres problèmes, tel que celui que soulève la Sourate des Abeilles (Al-Nah1 ) 16.66, de la période mecquoise tardive. Nous y lisons :

« Certes oui, il y a de quoi réfléchir pour vous dans les bêtes : de ce qui est dans leurs ventres (butün ) parmi l'excrément et le sang, Nous vous faisons boire un lait pur, au boire facile aux buveurs. »

Comment comprendre que le lait provienne de « parmi les excréments et le sang » ?

Un peu plus loin, dans la même Sourate, nous lisons :

« De leurs (abeilles) ventres (butün ) une liqueur sort, aux couleurs variées (miel) où il y a de la guérison pour les gens. »

A nouveau, le miel sort-il vraiment de l'abdomen des abeilles ? Et quelles maladies guérit-il ?

Dans le même ordre d'idées relevons encore le verset 38 de la Sourate des Bestiaux, de la période mecquoise tardive :

« Nul être marchant sur la terre, nulle volaille volant de ses ailes, qui ne soient comme vous en communautés... »

Que signifie l'expression « en communautés comme vous » ? Le Dr Bucaille pense aux abeilles 23. Chacun sait effectivement que les abeilles vivent en communautés. Mais que dire de certaines araignées dont la femelle dévore le mâle après l'accouplement ? Est-ce cela vivre en communauté ? Comme moi ? Comme vous ?

Mentionnons encore l'affirmation de la Sourate du Discernement (Al-Furqân) 25.45-46, de la période mecquoise primitive :

« N'as-tu pas vu ton Seigneur, comme Il étire l'ombre ? S'il l'avait voulu, certes, Il l'aurait faite immobile. Puis Nous lui avons assigné le soleil pour indicateur. »

Le soleil se meut-il pour indiquer à l'ombre la direction qu'elle doit prendre ? On nous a appris à l'école que c'est la rotation de la terre qui provoque le raccourcissement de l'ombre !

L'argumentation du Dr Bucaille sur ces versets n'est pas très convaincante, mais nous ne pouvons pas tout examiner en détail.

Abordons encore un point important dans cette section.

10. Musulmans au cercle polaire et musulmans astronautes.

Ce dernier aspect que je vais aborder maintenant est complètement omis du Coran. Cela pourrait paraître prétentieux de ma part, mais le lecteur saisira mieux ma pensée dans les lignes qui suivent.

Le Coran s'affirme comme guide et lumière pour tout le monde, et cependant j'ose affirmer que, logiquement, aucune personne qui vit au nord du cercle polaire ne peut être musulmane !

« C'est faux ! » me répondrez-vous. « N'importe qui peut devenir musulman. Ce qui lui est demandé, c'est de croire et de réciter la shahada - la confession de foi. »

« Faux ! » répondrais je. « Il doit respecter le Ramadan, ce qui le conduit immanquablement à mourir de faim, durant l'été arctique ! En effet, aucun coucher de soleil ne vient marquer la fin du jeûne. Il devra attendre des semaines et des semaines avant d'assister à un coucher de soleil ! Il a largement le temps de mourir de faim. »

« Qu'à cela ne tienne », reprendrez-vous. « Qu'il jeûne en tenant compte de l'horaire des musulmans de Stockholm ou de La Mecque. »

C'est effectivement une solution. Mais beaucoup de musulmans n'acceptent pas ce mode original de penser. Chaque année règne au Maroc une grande incertitude : la nouvelle lune qui met fin au Ramadan sera-t-elle vue le 29e ou le 30° jour du mois lunaire ? Cela pose la question d'un jour de jeûne supplémentaire éventuel. Mais il y a bien d'autres conséquences possibles, telle que l'impossibilité de réserver sa place sur un vol, à cause de l'ignorance du point de départ du premier jour de vacances, etc.

En face de ce problème qui se répète chaque année, je dis un jour à un ami : « Nous sommes au 20° siècle et il nous est facile de connaître d'avance les phases de la lune. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Vous mettriez ainsi fin à cette incertitude pesante ! »

Il me répondit : « Nous ne le pouvons pas car le Coran déclare : quiconque d'entre vous verra (personnellement) la nouvelle lune... » et il désigna clairement ses yeux pour bien souligner que l'homme doit voir la lune, personnellement.24

Les Tunisiens se fient aux calculs astronomiques pour fixer leur période de jeûne. Et si des Lapons se tournaient vers l'Islam, il faudrait bien prendre des décisions pour leur faire savoir quand ils devront débuter leur jeûne et comment ils devront jeûner.

Un second cas de difficulté analogue a surgi avec le voyage dans l'espace, d'un astronaute d'Arabie Saoudite. A 200 km d'altitude, la navette spaciale a une vitesse de 29 000 km/h. Elle fait donc le tour de la terre en 90 minutes.

Sur les 18 révolutions quotidiennes autour de la terre, comportant chacune un lever et un coucher de soleil, quelle entrée dans l'ombre détermine la prière du « coucher du soleil » ? Et comment l'astronaute peut-il se tourner en direction de La Mecque, en dehors du bref passage à la verticale de cette ville, sachant que l'angle de la navette change continuellement, même pendant les quelques minutes nécessaires aux quatre rak`as de la prière ?

Les responsables religieux de l'Arabie Saoudite décidèrent que leur astronaute devait lier ses pieds au sol de la cabine spaciale et prier trois fois par jour. C'était une décision parfaitement logique, mais remarquons néanmoins que nulle part le Coran ne prévoyait cela.

Si je mentionne ces situations, c'est essentiellement parce que le Dr Bucaille consacre deux pages de son livre à une discussion du petit mot « si ». Il propose de voir dans le « si » de la Sourate du Très Miséricordieux (A1-Rahman) 55.33 un sens prophétique car il entrouvre une « possibilité » de conquête de l'espace25 .Mais cette déduction n'est rien comparée aux problèmes que peut se poser l'astronaute qui désire suivre les règles de l'Islam et prier en direction de La Mecque au cours des révolutions du vaisseau spatial, ou aux problèmes qui assaillent les Lapons devenus musulmans, en quête des heures du jeûne du Ramadan, dans les régions situées au nord du cercle polaire. Si le Coran nous donnait des réponses à ces questions du 20° siècle, alors nous pourrions parler d'une connaissance prophétique du Coran. La Bible nous fournit des exemples de prophéties détaillées et nous en examinerons quelques-uns dans les chapitres ultérieurs.

 

 


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1Wehr,op. cit.[retourner au texte]

2Dictionnaire arabe-francais, A. de Biberstein Kasimirski, Maisonneuve, Paris. 1960. [retourner au texte]

3Dictionnaire Abdel-Nour al-Mufassal, Dar el-IIm lil-Malayin, Beyrout, 1983.[retourner au texte]

4Bucaille, op. cit., p. 208.[retourner au texte]

5Ibid., p. 208.[retourner au texte]

6Autre critique acerbe du Dr Bucaille contre les chrétiens qui s'efforcent de trouver une explication au problème. Ibid., p.12[retourner au texte]

7Biberstein Kasimirski, Le Coran, Bibliothèque Charpentier, Paris 1948.[retourner au texte]

8Islam, 2° éd. Univ. of Chicago Press, Chicago, 1979, p. 13.[retourner au texte]

9op. cit.[retourner au texte]

10Bucaille, La Bible, le Coran et la Science, p. 200. [retourner au texte]

11Ibid. , p. 204[retourner au texte]

12Torki, op. cit., p. 178. [retourner au texte]

13Torki, op. cit., p. 178.[retourner au texte]

14Le Coran, Librairie Orientale et Américaine, Paris, 1957. Trad. personnelle.[retourner au texte]

15The Message of the Qur'an, Dar Al-Andalus Ltd., Gibraltar, 1980.[retourner au texte]

16Sin and Atonement in Islam and Christianity, The Good Way, P O. Box 66, CH-8486 Rikon, p. 4 en anglais et en arabe.[retourner au texte]

17An-Nawawi, op. cit., pp. 28-29.[retourner au texte]

18Bucaille, La Bible, !e Coran et la Science, p. 247.[retourner au texte]

19Yusuf A1i. op. cit., p. 875. note 2872.[retourner au texte]

20Ibn Khaldun, vol. II, p. 391.[retourner au texte]

21Yusuf Ali, op. cit., p. 1370, note 4790.[retourner au texte]

22Bukhari, chapitre 67 sur le mariage, n° 21.[retourner au texte]

23Bucaille, La Bible, le Coran et la Science, p. 194.[retourner au texte]

24La Vache (Al-Baqara) 2.185, an 2 de l'Hégire. [retourner au texte]

25Bucaille, op. cit., pp. 168-170.[retourner au texte]